Les mélèzes en automne

Le club de randonnée vous propose le festival des dégradés des couleurs de l'automne avec les Mélèzes.

L’habitat du mélèze. Le mélèze se distingue des autres conifères par ses aiguilles très fines disposées en touffes, qui tombent en hiver, et par les qualités de son bois, d’un beau rouge. A lui seul, il donne aux forêts des montagnes du Valais un caractère très original. L’habitat du mélèze en Suisse est restreint, on ne le trouve sur de grandes surfaces qu’au Valais, dans les Grisons et au Tessin. Il est l’essence dominante dans les forêts des vallées latérales du Valais, et dans celles de l’Engadine, c’est là qu’il trouve les conditions les meilleures et qu’il se développe dans toute sa beauté. En Valais, il est répandu surtout dans les vallées de Viège et au Simplon où il dépasse en volume le 70 % des arbres inventoriés; nulle part ailleurs dans les Alpes cette proportion n’est atteinte, ces vallées très encaissées, entourées de grands sommets, ont un climat spécial qui convient particulièrement bien au mélèze. La proportion la plus élevée, 90 à 95 %, se rencontre dans les communes de Randa et de Täsch, à l’aval de Zermatt.

Le mélèze reste abondant encore dans les vallées d’Anniviers (30 %) et d’Hérens (37 %), mais il diminue à mesure qu’on se rapproche de Martigny, l’arête des Giettes sur St-Maurice constitue l’a limite ouest de son aire de dispersion. Sur la rive droite du Rhône, le mélèze est abondant dans les vallées de Conches, de Lötschen et de Loèche. A l’aval on n’en trouve plus que 4 à 20 %, son habitat s’arrête vers la Dent de Morcles

Pour que le mélèze se développe. Les conditions du milieu pour le développement du mélèze peuvent se résumer ainsi : le climat joue un rôle important : le barrage de montagnes qui encerclent le Valais lui vaut un climat sec, très prononcé, cependant le mélèze s’accommode de précipitations variables, entre 600 et 2000 mm, il se développe aussi bien avec 200 mm qu’avec 600 mm pendant les mois de juin à août. Par contre, il est très sensible à l’état hygrométrique de l’air, son aire de dispersion naturelle correspond aux régions qui ont une humidité relative de l’air inférieure à 75 %. Il fuit le brouillard, il se développe le mieux dans les régions qui ont moins de 20 jours de brouillards et plus de 100 jours clairs par année, ce qui est le cas pour le Valais. Il supporte une température moyenne annuelle allant de 1,5° à 12°. Ni l’exposition, ni l’altitude ne jouent un rôle important puisqu’on le voit prospérer entre 500 et 2 500 m. sur les versants nord comme sur les versants sud. Les conditions du terrain sont très particulières : le mélèze montre une prédilection marquée pour les sols peu évolués comme les moraines récentes, les alluvions, les éboulis. Quand les glaciers se retirent il ne tarde pas à s’installer sur les terrains neufs mis à découvert ; un torrent déborde-t-il, il prendra place aussitôt sur ces terrains remués. Dans la forêt d’Aletsch, sur les moraines laissées à découvert par le retrait récent du glacier, on voit des aulnes, des saules et des mélèzes, quelques aroles s’installent lorsque les mélèzes ont une vingtaine d’années. A mesure que le sol évolue, le mélèze cède la place à l’arole et à l’épicéa.

Peuplements purs et associations. Le mélèze est indifférent au sous-sol géologique, pourvu que le sol contienne un peu d’argile. L’état physique du sol importe plus que sa composition chimique. Le mélèze veut un sol meuble, il ne peut se régénérer sur un sol durci, piétiné par le bétail, comme celui des pâturages. Le mélèze forme parfois des peuplements purs, dans les régions qui lui offrent les meilleures conditions de vie, comme les vallées de Viège et le Simplon. Souvent l’homme a enlevé les autres essences sur les pâturages d’été ou de printemps parce que, sous le mélèze, l’herbe pousse bien, son ombrage n’étant pas trop dense et ses aiguilles se décomposant mieux que celles de l’épicéa ou de l’arole. Ces peuplements purs de mélèze, maintenus artificiellement, ne comprennent souvent que des arbres âgés, le jeune bois est coupé ou brouté par le bétail, dès lors les vieux arbres sont destinés à disparaître. La génération actuelle des montagnards perd de vue l’excellente influence des mélèzes à la montagne et cherche à expliquer la baisse de fertilité des alpages par un changement de climat. La disparition des arbres entraîne une modification des conditions locales, mais le climat général n’est pas changé.

Souvent le mélèze s’associe avec d’autres essences, le mélange mélèze-épicéa est la plus fréquente de toutes les associations. A notre époque, en Valais, l’épicéa gagne du terrain au détriment du mélèze, ce qui est regrettable car le bois de mélèze est plus précieux. L’association mélèze-sapin blanc ne se rencontre en Valais qu’aux endroits favorables au sapin, les conditions de vie de ces deux espèces sont très différentes. Les stations préférées du sapin sont les vallées latérales de la rive droite : Lonza, Dala, Lienne, Morge, Lizerne ; sur la rive gauche une ceinture presque continue de peuplements s’étend entre Viège et Sierre au-dessus de 900 m. Le pin sylvestre, si répandu en Valais, s’associe aussi au mélèze et à l’épicéa, en particulier dans la région du Simplon. Par contre, le pin de montagne est assez rare en Valais, c’est encore dans les vallées de Saas et au Simplon, à Chandolin d’Anniviers et au Catogne qu’on le trouve, associé au mélèze, formant des peuplements de toute beauté.

L’arole n’existe presque pas dans la vallée de Conches ; sur la rive droite du Rhône, il apparaît dans les forêts d’Aletsch et de Lötschen. Sur la rive gauche, il est représenté dans les vallées de Viège et d’Anniviers, puis il diminue en s’approchant de Martigny. Il ne descend pas au-dessous de 1500 m. A la limite supérieure des forêts, vers 2000-2200 m. on trouve souvent le mélange arole-mélèze en peuplements peu denses. Plus haut, dans la zone dite de combat, les arbres s’espacent, deviennent plus petits, parce que les conditions de vie sont plus difficiles ; vers 2500 m., comme à la Tönette sur Lirec (Zinal), ils ne dépassent pas 50-60 cm. Dès qu’ils s’élèvent plus haut, ils sèchent par l’extrémité, sous l’influence du vent froid de la montagne. Tant qu’ils restent au ras du sol, entre des blocs, ils bénéficient d’une température moins basse.

La régénération du mélèze. A la montagne, même dans son habitat naturel, le mélèze perd du terrain, il est supplanté par l’épicéa et l’arole. Cela est dû surtout à des abus, comme le ramassage de la litière qui provoque la dessication du sol ; le fait que le bétail tond les jeunes arbres ne les fait pas périr, après un certain nombre d’années, ils font une flèche et grandissent rapidement, mais le parcours excessif du bétail durcit le terrain, par piétinement, ce qui empêche les graines de mélèze de germer. Dans les vallées latérales du Valais, là où le mélèze trouve les conditions qui lui conviennent le mieux, sa régénération ne présente pas de difficultés. Dans les vallées de la Viège, du Simplon, d’Anniviers, d’Hérens, il suffit de pratiquer des coupes d’éclaircie pour enlever les arbres mal conformés ou dépérissants pour voir se développer les semis, à condition que le parcours du bétail et le ramassage de la litière soient abolis. Dans la région de Martigny, la régénération est plus difficile, la lumière lui est plus nécessaire que dans les vallées indiquées plus haut, les autres essences empêchent son développement, il lui faut beaucoup plus d’espace. La forêt dite « le Ban du Perey » sur Martigny a fait l’objet d’un rajeunissement de mélèze très réussi de 1931 à 1939. Un point délicat, qui se présente si souvent en Valais, est la régénération des mélèzes sur les pâturages. On voit comme à Balavaux, sur Isérables, de très gros mélèzes âgés de 700-800 peut-être 1000 ans, aux branches étalées, disséminés sur des pentes gazonnées, mais il n’y a point de jeunes. Les consorts prétendent que ces arbres ont toujours existé, qu’il ne faut pas y toucher, ils s’opposent aux projets de reboisements parce qu’ils diminueraient la surface des pâturages. On peut arriver à les persuader en ne demandant qu’une petite surface comme essai. On la clôture et lorsque le peuplement est assez développé pour n’avoir pas à souffrir des dommages du parcours du bétail on le rend au pâturage. Devant les résultats, on obtient facilement le reboisement d’autres parcelles ; quand ce n’est pas du pâturage en entier comme à Hannigalp sur Grächen où les propriétaires, encouragés par ce succès, ont décidé de poursuivre la régénération du mélèze sur tout le pâturage. Blitzingen, Saas-Fée ont fourni de bons exemples de régénération sur leurs pâturages. Au bout de 8 ans on avait des mélèzes de 1,50 m. de hauteur. En haute montagne on est souvent obligé de maintenir la collaboration entre la production de l’herbe et celle du bois, parce que toutes deux sont nécessaires à la population.

Le mélèze hors de son aire de dispersion. Depuis longtemps on a cherché à introduire le mélèze hors de son aire de dispersion, cela à cause de la valeur de son bois. Transplanté dans des régions dont le climat ne correspond pas tout à fait à ses exigences, il devient plus exigeant, il lui faut des versants ensoleillés, des sols riches en matières minérales, perméables ; les dépôts glaciaires mélangés d’éboulis lui conviennent bien ; il ne supporte pas le couvert, demande beaucoup de lumière. Il faut alors le défendre contre les autres essences qui l’étoufferaient. On ne peut pas l’acclimater au-dessus de 1600 m. alors que dans son aire naturelle il monte à 2000 m. même à 2500 m. On l’a planté dans le Val d’Illiez surtout sur les pentes au-dessous de la Dent de Valerette, donc non loin des Giètes qui marquent la limite de sa dispersion naturelle. Il peut réussir dans une certaine mesure dans la région de Monthey et du Bas-Valais, quoique le climat ne corresponde plus à ses exigences, à condition de tenir compte des circonstances indiquées plus haut. On l’a planté avec succès dans la région d’Interlaken, et aussi sur différents points au nord des Alpes, dans les Préalpes, sur le Plateau et dans le Jura.

Le mélèze est un arbre précieux : son bois très fin, magnifiquement coloré, se conservant très bien, a des applications pratiques nombreuses : construction de bâtiments, fabrication de bardeaux et de tavillons pour la couverture des toits, de meubles divers, d’échalas et de tonneaux pour les régions du vignoble. Dans les constructions, le bois de mélèze, à l’abri de la pluie et sous l’action du soleil, prend une teinte sombre, cuivrée, du plus bel effet ; il se conserve fort bien, on voit des constructions de plus de trois siècles encore en parfait état. Des études faites sur des mélèzes des Grisons ont montré que la résistance à la pourriture atteint le maximum chez les arbres croissant à une altitude moyenne de 1050-1750 m. tandis qu’elle diminue considérablement dans les troncs des hautes montagnes.

Grâce à ses rameaux si fins, le mélèze laisse filtrer assez de lumière pour que la végétation puisse pousser sous son couvert, c’est pourquoi les montagnards le recherchent sur leurs pâturages ; il abrite le bétail contre la pluie, le vent ou un soleil trop ardent, tandis qu’ils éliminent l’arole et l’épicéa dont l’ombre profonde empêche la végétation. Etrange contradiction : souvent les bergers qui s’abritent sous les mélèzes font du feu contre le tronc et détruisent l’arbre auquel ils demandent une protection si appréciée. Le personnel enseignant ferait œuvre utile en insistant auprès des jeunes pour les persuader de ne plus détériorer les arbres en faisant du feu à la base du tronc. On comprend que, durant les longues heures de pluie et de froid, les bergers s’abritent sous les arbres et y fassent du feu. Pour éviter les dégâts aux arbres il suffirait d’éloigner un peu le feu du tronc. Il faudrait insister aussi sur les dangers des incendies de forêts, si fréquents et si graves avec notre climat sec. L’arole en particulier, comme aussi le pin sylvestre brûle très facilement et ne résiste pas au feu, tandis que le mélèze avec ses aiguilles annuelles brûle moins facilement et résiste bien au feu. L’incendie de la forêt d’Aletsch a bien mis en évidence cette différence ; on voit maintenant que tous les aroles touchés par le feu ont péri, tandis que beaucoup de mélèzes ont résisté. La beauté des mélèzes est remarquable en été : leur verdure est si fine, d’un vert si tendre, leur sous-bois tapissé de verdure et d’aiguilles souples est d’une grande douceur. L’arête du Mont Chemin, les Mayens de Sion et tant d’autres endroits doivent leur charme reposant aux sous-bois de mélèzes. Mais c’est durant la seconde moitié d’octobre qu’il faut aller admirer leur beauté ; ils ont alors des teintes dorées, mélangées de vert en des nuances infinies, ils s’élancent vers le ciel comme des jets de flammes, tout le paysage est comme illuminé.

Le mélèze en Valais par Ignace Mariétan